Aujourd'hui peut de blabla, juste un petit mot pour t'annoncer ce qui va suivre. Il s'agit d'un petit texte sur la lecture, écrit par moi et mes petits doigts. C'est quelque chose d'assez nouveau pour moi de poster mes textes sur le Web, donc si tu as des conseils, ils sont bienvenus, toujours avec constructivité et bienveillance ;).
Je te laisse avec le texte !
Mille bises
○ Bulle ○
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Elle
avait étonnamment gardé de ses études littéraires un profond
désamour des bibliothèques publiques. Elle voyait dans ces lectures
qui n'appartiennent à personne une exhibition, presque une
dépravation. Elle haïssait ce sentiment d'être épiée par tous,
choisissant un ouvrage dans lequel elle allait par la suite livrer
ses projections, ses doutes et ses aspirations. Il y avait quelque
chose de voyeur là dedans. A la rigueur, déambuler dans une
bibliothèque vide, à l'ouverture ou à la fermeture, la dérangeait
moins. Ainsi on pouvait se promener, effleurer les reliures, caresser
le papier, sentir le livre avant de faire son choix.
Cela
n'effaçait cependant pas le malaise qu'elle éprouvait à balader
ses yeux sur les lectures d'autres avant elle. Elle se mettait à nu
entre les pages, et cette nudité ne pouvait se faire dans la foule
des lecteurs précédents, dans ce parterre d'idées et d'envies si
différentes des siennes. Cette activité exigeait une intimité, la
plus grande des intimités, la solitude du livre : ce face à
face entre l'âme et l'écrit que l'on ne pouvait trouver qans les
ouvrages partagés. La lecture était un dépouillement caché de la
face du monde. C'était une vibration qui trouvait son apogée dans
le lien exclusif avec le récit. De fait, elle ne concevait le livre
que comme un objet à soi. Il fallait vivre avec, le retrouver quand
elle voulait, le posséder, pour pouvoir lui faire entièrement
confiance. Et de cette confiance découlait le plaisir solitaire de
la lecture la rencontre absolue entre ce qu'elle imaginait et ce que
le livre racontait.
Posséder
l'ouvrage, c'était laisser l'ouvrage vous posséder.
Paradoxalement,
elle aimait les livres des bouquinistes. Ils étaient certes les
objets de quelqu'un d'autre, mais cet autre lecteur était seul,
comme elle. Durant sa longue convalescence sur les étagères d'un
commerçant, cette présence de l'ancien possesseur s'était fanée,
jaunie : il n'en demeurait qu'une silhouette lointaine, devenue
presque rassurante. C'était la certitude sereine que quelqu'un
d'aussi discret qu'elle, presque timide sans doute, avait un jour
posé ici ses pas de lecteurs, avait vécu comme elle, et ressentit
comme elle ce que le livre lui murmurait.